J’ai rencontré Fiona dans un contexte d’église grâce à une amie que nous avons en commun et j’ai su bien plus tard qu’elle se destinait à des études dans le domaine de la psychologie.
Elle a accepté de répondre à quelques questions et je suis vraiment super contente de les partager avec vous. Pour celles et ceux qui souhaiteraient son contact, envoyez-moi que message en DM sur mes plateformes, par mail ou via le formulaire de contact du blog, je serai ravie de vous le partager !
Attention, elle exerce en Belgique !
Fiona, as-tu toujours rêvé d’être psychologue ?
Pas vraiment, je dirais que j’ai fait une rencontre avec la psychologie alors que je commençais à me demander quelle orientation prendre une fois sortie de études secondaires. Je devais avoir 13-14 ans quand ma prof de Français et de Religion, à l’époque, nous a parlé en cours de la pyramide des besoins de Maslow.
J’ai été subjuguée par le fait que des études supérieures s’intéressent d’aussi près au comportement humain qui m’avait toujours questionnée et fascinée. J’adorais les tests de magazines pour apprendre à mieux se connaître. Et de la même manière, j’avais toujours été à l’écoute des gens de mon entourage.
Bref c’était un peu comme si « je manifestais de l’intérêt à la discipline, sans véritablement savoir de quoi il s’agissait ».
Qu’est-ce qui t’a poussée à prendre ce chemin ?
Dans mon cheminement vers une orientation suffisamment passionnante pour ma curiosité, j’ai creusé la voie de la psychologie en me renseignant sur les cursus proposés au travers de salon aux études, de cours ouverts aux étudiants de rhétorique (équivalent belge des étudiants de terminal en France) et des discussions avec une professionnelle de mon entourage qui a réussi à éclairer plus d’une fois ma réflexion à la fois durant mon parcours scolaire et professionnel.
Petit à petit, la direction des études en sciences psychologiques s’est révélée être la voie à suivre tant dans mon analyse du sens de cette formation que dans la conviction profonde et personnelle de m’engager dans cette direction.
Quel est le rôle d’un psychologue ?
Dans ma vision, le rôle du psy est de comprendre le comportement humain individuel, observé dans un contexte donné, à la lueur d’une histoire personnelle, d’une expérience de vie et d’une unicité qui pour moi fait le cœur du travail d’accompagnement.
Je compare souvent ce rôle à celui d’une béquille qui pour un temps donné vient en support ou soutien d’un travail de revalidation et dont le but est que la personne récupère sa capacité à fonctionner sainement par elle-même, à se réapproprier la suite du cours de sa vie. Il s’agit pour moi d’emmener l’autre à redevenir un acteur de sa propre vie, à la fois conscient de ses atouts voire de ses failles et dès lors, celui-ci est équipé pour mener l’aventure de sa vie à destination ou du moins à une prochaine étape.
Il y a aussi une énorme part de collaboration qui permet de valider ou invalider les hypothèses faites et de trouver du sens ou non au vécu mis en lumière. La réflexion commune est selon moi une clé précieuse à ne pas négliger.
Qu’aimes-tu dans ton métier ?
De nombreux éléments ont conquis mon cœur dans ce métier, j’en citerai quelques uns:
- La rencontre avec l’individu
- La contemplation du déploiement du potentiel de ressources caché en chacune de ces personnes qui prend conscience de sa capacité à agir et à emmener quelque chose de différent dans sa manière de vivre, de réagir, de s’inscrire dans son rapport aux autres ou à l’environnement qui est le sien.
- La diversité des histoires humaines
- L’apprentissage tiré des forces de chaque individu croisé.
- Le partage de l’intimité, l’aspect « sacré » de ce qui peut se produire en séance, je me sens privilégiée de la confiance que les gens me donnent de les accompagner dans les aspects les plus personnels et les plus cachés de leur existence.
- La progression visible dans l’état de bien-être des personnes…
- La contribution au déclic nécessaire face à certains blocages
- …
La liste est encore longue mais voilà déjà quelques points cruciaux.
Que penses-tu apporter de plus à la profession en tant que chrétienne ?
La conscience qu’il y a une part qui n’appartient à personne dans le travail qui se réalise, il faut nécessairement la disposition de l’accompagné, le savoir et la bienveillance de l’accompagnant et surtout le mystère de l’instant T où quelque chose qui nous dépasse se produit à l’intérieur du cœur…
Je me vois véritablement comme un instrument de facilitation pour aider l’autre à poser son regard au bon endroit afin de gagner du temps ou même de l’énergie dans sa quête de mieux-être. La conscience que le résultat ne m’appartient pas car mon travail s’inscrit dans quelque chose de bien plus grand et élevé que moi… Je ne fais que prendre part avec un regard que je tends à diriger vers l’ouverture plutôt que des canevas tracés.
Je pense également donner l’accès à un public parfois désinformé ou pas toujours bien renseigné sur la fonction du psychologue voir réfractaire à ce que ce travail peut apporter.
Mentionnes-tu que tu es chrétienne ?
Je ne le mentionne pas forcément, ce sont plus souvent les gens qui arrivent à moi qui stipulent que leur choix s’est établi entre autre sur base de ce critère, que je prendrai alors en considération dans ma manière de les accompagner.
Inversement, si la personne n’en fait pas mention, je l’accompagne de la même manière sans porter de focus sur cet aspect. Disons que c’est une caractéristique supplémentaire qui peut servir à ceux pour qui la foi est un élément central de la vie, afin d’être compris, écouté et pleinement considéré dans cet aspect-là également (parce que vécu personnellement). Je le comparerais également aux différences ethniques qui de la même façon peuvent jouer dans la prise en charge sur certains aspects de compréhension profonde de la réalité vécue, c’est-à-dire que cela n’aura d’intérêt que pour la personne pour qui cette donnée fait sens.
Lorsque tu suis des patients chrétiens, quelles sont les difficultés récurrentes qui reviennent ?
Il y a un grand travail de psycho-éducation souvent à établir en amont, c’est-à-dire déconstruire des idées préconçues/erronées et donner une explication fondée à des éléments qui ont parfois été diabolisés, ou pour lesquels des raccourcis de pensées ont été intégrés. Par exemple, très souvent le psychologue a été associé à une solution qui aurait la prétention de mettre la foi de côté, alors que les deux sont plutôt complémentaires.
Il y a également, selon moi des problématiques propres au cadre chrétien qui peuvent émerger par exemple vis-à-vis d’une forme de culpabilité ou de condamnation associées au représentations que les gens se font de Dieu ou de son jugement sur leur personne, leurs choix, leur vie … il s’agit alors de creuser et déconstruire les fausses croyances.
Selon toi, quels sont les freins que peuvent rencontrer les chrétiens qui refusent de voir des psychologues alors qu’ils ne vont pas bien ? Et d’après toi, ça vient d’où ?
Selon moi, il y a une dimension qui est due au manque d’information fondée sur la fonction, le rôle et peut-être parfois une forme de « prétention » associée à ce que la psychologie peut apporter à quelqu’un qui vit dans la foi.
Une autre part me semble liée à l’image de soi qui se trouve affectée par la vulnérabilité exposée qui peut pousser à demander de l’aide. Cette fois encore, de manière erronée, cela peut renvoyer à un manque de force ou à une faiblesse de caractère qui peut sembler être insupportable ou en contradiction avec la casquette du « bon chrétien qui vit dans l’espérance ». Et pourtant ces perceptions sont bien souvent associées à une éducation reçue plus qu’à une conviction profonde. Cela peut provenir de l’éducation parentale, de la culture, de certaines formes d’enseignements très orientés ou laissant peu de place à l’esprit critique, de fausses croyances, de manque d’information, …
Que dirais-tu à des personnes qui pensent qu’un chrétien ne peut être psychologue ? Et qu’il ne doit pas en consulter un ?
Probablement, je commencerais par leur demander ce qui leur laisse penser cela !
Ensuite, je leur répondrais probablement que c’est Dieu qui m’a appelée à le devenir, dès le temps du choix de mes études et jusqu’au fait de me lancer dans une pratique libérale. J’ajouterais que nous sommes plusieurs professionnels à avoir suivi cette formation à côté de notre croyance et de notre relation personnelle à Dieu et que cela, au-delà de ne pas être en opposition avec la foi chrétienne, contribue à l’édification d’un peuple conscient, alerte de son humanité et de surcroît plus mature émotionnellement, ce qui encore une fois ne s’oppose nullement à toute forme de progression spirituelle, au contraire, je crois même que l’un ne va pas sans l’autre.
Enfin, je les avertirais de ne surtout pas en consulter s’ils souhaitent voir les choses stagner soit évoluer lentement, car se mettre en marche risquerait de les faire progresser …
En effet, consulter un psychologue c’est faire le choix de traiter son âme par le biais d’une personne formée et équipée avec des outils. C’est non seulement un gain de temps et d’énergie mais un travail tout à fait possible en parallèle du développement d’une vie spirituelle.
Si l’on pense que l’aspect spirituel prime sur le corps et l’âme, on risque de refuser d’user de la médecine pour soigner le corps ou de consulter un psy pour apprivoiser son âme.
L’un comme l’autre ne prétendent pourtant pas guérir mais sont respectivement des instruments utiles et parfois nécessaire sur la voie de la guérison. C’est également un moyen qui peut être utilisé pour sortir de sa/ses difficultés mais cela demande le courage de se prendre en main, de sortir de la passivité ou de l’inlassable attente parfois d’un mouvement surnaturel… Pourtant il nous est dit noir sur blanc que le travail paye, c’est un principe établi, alors pourquoi ne pas s’y risquer, pourquoi rester passifs dans cet aspect-là de nos vies plus que dans les autres?
Tester un rendez-vous pourra peut-être faire la différence… Après tout, il s’agit juste d’une rencontre humaine, d’une volonté d’avancer mise en action et le reste… Le processus pourrait nous le dire lorsque l’on choisira de poser un premier pas, de foi…?
Merci infiniment à Fiona pour ce témoignage complet.
Avec beaucoup d’amour,
Stéfany Yang